Seulement dans des livres, comme vous dites. Seulement! Les livres ne peuvent jamais être seulement ; ils peuvent seulement être toujours.
Jeff Noon

7 avr. 2013

Hippie voilà!

  Laïka a bien des soucis. En plus de porter le prénom d’un chien spatial, elle s’est réveillée dans un monde étrange qui n’est pas le sien. D’hôtel en hôtel, Laïka suit l’homme qu’elle sait responsable de sa situation dans l’espoir de pouvoir retourner d’où elle vient et retrouver son identité. Mais au lieu de l’aider, il se met à raconter l’histoire de Kinky, sa mère, ado fugueuse qui déboulera dans le milieu hippie d’un San Francisco des années  60. Quel peut être le lien entre Laïka et Kinky?


«Les personnes, les lieux et les événements présentés dans ce roman existent dans le domaine exclusif de la fiction.
Toute autre interprétation doit être considérée comme illusoire.
La réalité n’est pas de ce monde.»



  Il y a des livres dont on voudrait pouvoir parler avec emphase et grandeur. Et il y a des jours où quoiqu’on dise, quoiqu’on écrive, rien ne semble à la hauteur, tout paraît mauvais.  Et quand on n’a vraiment pas de chance, il y a même des semaines entières où quoiqu’on fasse, la boulette de papier tombe systématiquement à côté de la poubelle. Et bien il semblerait que cette semaine soit à cette image pour moi. Il fait froid, il fait moche, je suis très en retard sur les livres dont je voulais parler sur ce blog et pas besoin de parler allemand pour savoir que mon patron est un con. Et pourtant, j’aimerais pouvoir vous convaincre, vous dire à quel point ce roman de Tommaso Pincio mérite votre attention.


  Si Kiki43 devait vous conseiller ce livre, il userait encore et toujours de son argument favori : «ce livre est génial, achetez-le». Alors, de deux choses, l’une : il faut reconnaître que cet argument possède son petit effet et il se trouve qu’effectivement, ce livre est génial, vous pouvez de ce pas vous précipiter pour le lire. Mais rendrai-je hommage au talent de Pincio si je m’arrêtais là? Ne serait-ce pas se contenter de le confondre avec tant d’autres livres géniaux sans le distinguer et vous dire ce qui pourrait le rendre génialement différent ou différemment génial de tous les autres livres géniaux?


  Tommaso Pincio fait partie de ces auteurs inclassables qui puisent leur inspiration à tous les râteliers, vous savez ces auteurs qui savent un peu tout faire... oui je sais, ils sont un peu agaçants.


  Ainsi, de prime abord, lorsqu’on entame la lecture des Fleurs du Karma, on pourrait croire avoir à faire à un récit de SF, enfin de fantastique si on voulait être précis. Le monde étrange dans lequel Laïka se débat ressemble à une sorte de quatrième dimension où tout paraît commun mais où on se rend compte rapidement que tout est inconnu surtout la réaction des gens. Vous savez ce tout petit décalage qui nous fait nous demander qui est à côté de la plaque, eux ou nous?


«-Vous avez besoin de quelque chose, madame?
-Non, merci.
-N’hésitez pas à m’appeler en cas de besoin.
-Je n’ai besoin de rien.
-Vous vous sentez seule, madame?
-Pardon?
-N’hésitez pas à m’appeler si vous vous sentez seule.»


  Mais rapidement, Pincio réoriente le récit sur l’histoire de Kinky et de son fils, le narrateur, l’homme qui parle sans voyelle! On revient alors dans notre monde, plongé dans l’ambiance du San Francisco des années hippies. Psychédélisme et amour libre à volonté! Et ce qui va justement devenir l’intérêt principal du roman, outre l’ambiance d’une époque qui a marqué son temps et continue de garder une certaine aura de nostalgie, c’est se retrouver dans la tête de ce narrateur, avec sa vision décalée du monde, une vision entre Forrest Gump et La Conjuration des Imbéciles. Est-il réellement un mathématicien de génie incompris ou un timbré total... de génie?


  Avec beaucoup d’humour et parfois quelques petites pointes de poésie, l’écriture de Pincio  est d’une fluidité absolue au point que le roman se lit presque tout seul (presque! parce qu’il faut quand même que vous participiez un peu!), surtout les délires du narrateur qui auraient pu ralentir le récit mais qui, au lieu de cela, deviennent des parenthèses attendues presque avec impatience.  


 "Chaque chose tend vers le désordre, c'est une loi de la nature. Prenons un exemple : vous. Vous vivez. C'est un fait. On ne peut pas le nier. C'est pour le moins un fait étrange. Par rapport à ce qui se passe dans des milliers d'autres galaxies et des centaines de milliers de planètes, rien n'est statistiquement plus improbable et invraisemblable que le fait que vous existiez. Disons les choses comme elles sont : vous ne devriez pas exister. D'un autre côté, il est très probable que vous ne voyez pas les choses ainsi parce que vous êtes le genre de personnes qui pensent avoir tout à fait le droit d'être vivantes. Non seulement, ça vous rend invraisemblable, mais aussi suspect. Y a-t-il en effet quelque chose de plus suspect qu'une improbabilité qui prétend avoir des droits?"


  La révélation finale n’en sera pas vraiment une et laissera chacun décider de la solution. Si vous êtes du genre à vouloir des explications à toutes fins, vous risquez d’être surpris voire déçu mais si vous aimez les fins ouvertes qui laissent libre cours à l’imagination du lecteur, si vous aimez les textes à l’écriture soignée, les histoires et les personnages décalés, alors plus aucun obstacle ne bloque le chemin entre vous et Les Fleurs du karma


  Avec ce titre, les éditions Asphalte confirmeront tout le bien qu’on pouvait penser d’elles, hippie c’est tout.




CITRIQ

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