Seulement dans des livres, comme vous dites. Seulement! Les livres ne peuvent jamais être seulement ; ils peuvent seulement être toujours.
Jeff Noon

30 juin 2014

Electre m'a tuer.



   New York, post évènement mystérieux dont on sait peu (puisque mystérieux) si ce n’est qu’il a eu lieu un 14 février (et toc!) et qu’il a eu pour effet de diviser la population par 10. Dewey Decimal vit dans la bibliothèque municipale, a des trous de mémoire concernant son passé et arpente les rues de New York à sa manière, en respectant son système (toujours tourner à gauche, prendre le métro en fonction du chiffre ou de la lettre et suivant si c’est le matin ou l’après midi). Son temps libre, il le consacre à ranger la bibliothèque, son temps occupé est dédié à son activité de tueur professionnel pour le compte du procureur. C’est une mécanique bien huilée… jusqu’au contrat qui viendra, évidemment, mettre le petit grain de sable dans l’engrenage.


   Comme ça a priori, Système D a tout du roman noir classique à l’intrigue bien sûr déjà vue. Le mec pro qui se voit confier un boulot qu’il a déjà exécuté des centaines de fois sans problème et il n’y a aucune raison pour que cette fois-ci soit différente, sauf que SI! Ha! Ha! Cette fois, y a un problème, et tu vas faire quoi maintenant mon gars? Système D n’a pas que l’air de ce genre de roman, C’EST ce genre de roman. Alors pourquoi en parler? Et bien, ce n’est pas parce qu’on a déjà mangé nombre de fois un certain plat qu’on n’aime pas en remanger à l’occasion surtout quand il est bien cuisiné. Et Système D est plutôt bien préparé.


   Déjà, son ambiance : un New York quasi désert puisque la démographie a subit un sérieux régime amincissant et dans une ville comme New York, on n’a pas de mal à imaginer ce que ça peut rendre comme effet : laissée à l’abandon dans certains quartiers, réappropriée dans d’autres comme Central Park réquisitionné par les freaks.


   Mais au-delà de ce décor plutôt réussi, il y a un personnage qui (comme dans The Rook de Daniel O’Malley, voir dans l’épisode précédent) porte un peu le roman à lui tout seul. Dewey Decimal, rien que son nom ressemble à une vaste blague mais le bonhomme lui non. Et ce malgré ses tocs (toujours se désinfecter les mains, vérifier qu’une certaine clef est dans sa poche, toujours tourner à gauche), ses trous de mémoire, ses prises de médocs et son étonnante capacité à se foutre dans la merde. Dewey passe en effet de mauvais choix en mauvaises rencontres, de faux amis en vrais ennemis, bref d’emmerdes en embrouilles si bien qu’on finit par ne plus savoir s’il joue toujours dans la bonne équipe. On se rend rapidement compte aussi que ce n’est pas, justement, le genre de mec qu’il faut chercher à embrouiller. Il n’aime pas ça, Dewey, qu’on l’embrouille et pour débrouiller le tout, il n’hésite pas à sortir ses flingues pour aérer quelques cerveaux, même s’il n’est pas dénué de certains états-d’âmes.



   Raconté par Dewey en personne, Système D est un pur roman noir urbain au rythme soutenu, à la construction redoutablement efficace, avec juste ce qu’il faut (un soupçon) d’immoralité, une ambiance étrange et un personnage atypique comme on les aime. Si vous cherchez un roman sans prise de tête et sans prétention, épanouissez vous, lisez Système D.

CITRIQ

19 juin 2014

The Tour is out there.



   Par une superbe nuit d’orage, dans un parc londonien, Myfanwy Thomas, en plus d’avoir un prénom comptant triple au scrabble, reprend conscience sous une pluie battante. Autour d’elle, les corps sans vie de mystérieux individus. Dans sa tête, le vide absolu à la place de sa mémoire. Et dans ses poches, une lettre adressée à « Toi ». Elle y apprend qu’elle fait partie d’une organisation secrète (la Checquy)(...non, aucun lien, fils unique) ayant pour but de défendre la Grande Bretagne et de trouver des êtres dotés de pouvoirs quelque peu surnaturels (comme elle), qu’un traître au sein de cette organisation est responsable de sa vidange mémorielle et que son ancienne « elle » sachant l’inexorabilité de cet évènement mais ignorant l’identité dudit traître, lui a préparé le terrain. Voilà Myfanwy devant un choix : disparaître pour refaire sa vie très loin ou reprendre son rôle au sein de la Checquy, trouver le traître, faire la compta, déjouer un complot, sauver la nation et peut-être, si elle a le temps, boire un café.



   Imaginez que Harry Potter ait une soeur qui, après avoir fini la fac, soit recrutée par le MI5, fasse ses classes avec Fox Mulder et surtout, qu’elle ait hérité de l’humour de Buffy contre les vampires... 

« Tour Thomas, ce Serviteur parle au téléphone en nous regardant. » Myfanwy hocha la tête. « Vous voulez qu’on le tue? » Elle dévisagea la garde du corps. « Je prends ça pour un non. »

...alors vous aurez une petite idée de ce que peut être l’ambiance de The Rook de Daniel O’Malley : un concentré de vitamine dans un scenario habilement construit pour ne laisser aucun temps mort, une ambiance surnaturelle juste ce qu’il faut pour ne pas complètement effrayer les amateurs de « ouais mais ça existe pas…en vrai » et donc cet humour décalé, comme je les aime. 


   Le personnage principal, Myfanwy (prénom gallois et pour ceux qui veulent dormir moins bête ou moins triste, tapez Myfanwy sur un moteur de recherche, on trouve des choses intéressantes!), est absolument géniale, tellement attachante qu’on a juste une envie : être elle (ouais même si vous êtes un homme vous aurez envie d’être elle, faites gaffe) ou au pire qu’elle devienne notre meilleure copine (ouais même si vous êtes un homme vous aurez envie d’être sa meilleure copine, faites gaffe). Pourtant c’était pas gagné. Sachant le livre écrit par un homme (et on sait que beaucoup d’écrivains hommes ratent leurs personnages féminins) j’ai craint le bon gros cliché. Daniel O’Malley évite le pire qui aurait consisté à faire de son héroïne une bombasse au charisme et aux talents LaraCroftiens. Au contraire, il en fait justement une petite femme ordinaire (en dehors de ses capacités surnaturelles qu’elle maîtrise très mal d’ailleurs), ni belle ni moche, avec un sens de la répartie top niveau …

« -C’est l’heure de votre dîner avec Lady Farrier.
-Ah! merde, soupira-t-elle avant de remarquer l’expression choquée de Clovis. Je veux dire, ah! très bien, ça va être exquis. »

…et qui va apprendre à s’imposer en marchant sur quelques pieds au passage (et quelques tentacules aussi par la même occasion. C'est vrai, que serait un roman fantastique sans une belle paire de tentacules?)


   Les clichés, l’auteur va joyeusement jouer avec à travers ses personnages secondaires : l’assistante très Moneypenny doublée de Miss Pennywinkle, la lady très british coincée à souhait, un méchant complètement frappé du bulbe, des gros bras très « gros bras », il y a même un dragon et un vampire qui passent rapidement faire coucou.


   Mais ce qui fait que ce roman fonctionne si bien, c’est vraiment cet humour constant qui évite cependant l’écueil de ralentir le récit en laissant le déroulé de l’histoire sur le bord de la route. Au contraire, ici, l’humour rythme le récit arrivant toujours à point nommé et donne en plus de superbes répliques. 

« Je viens d’être informée que les Américains arrivaient.
-Tous ensemble? »


   On ne s’ennuie pas un seul instant dans The Rook. Même si Daniel O’Malley fait du facile, son monde est bien construit, développé et cohérent, son histoire bien ficelée et il évite tous les pièges du trop facile avec dextérité. Mais surtout (et c’est ce qui m’a fait penser à Buffy contre les vampires), il ne se prend jamais au sérieux. C’est ce qui rend The Rook si génial. Une suite serait en préparation. En ce qui me concerne, je l’attends avec une impatience grandissante.


The Rook se révèle donc être non seulement une lecture divertissante mais en plus, il vous file la pêche! Ça ne prétend pas à autre chose, alors, que demander de plus?

« Tour Thomas, vous avez quelque chose de changé.
-Eh bien, je me suis fait péter la gueule il y a peu.
-Ah! ça doit être ça. »


P.S : oui je sais, mes titres de post sont de pire en pire mais que cela vous rassure, ça ne va pas aller en s’arrangeant.




CITRIQ