Fin du XXIe siècle, Thaïlande, Bangkok.
Il y a Anderson Lake, venu prendre la direction d’une usine de production de piles d’un genre nouveau, mais qui cherche apparemment à résoudre un mystère autour d’une graine.
Il y a Hock Seng, secrétaire d’Anderson Lake, mais surtout réfugié de Malaisie qui cherche un moyen de se refaire un avenir prometteur.
Il y a Jaidee, le tigre de Bangkok et capitaine des chemises blanches, groupe corrompu chargé de contrôler les importations, mais qui voudrait revenir à un système plus stricte.
Il y a Kanya, seconde de Jaidee et obsédée par une vengeance qui la dépasse.
Il y a le Somdet Chaopraya, le général Pracha et Akkarat, à la tête des différents ministères mais qui aimeraient bien voir disparaître les autres pour être seul au pouvoir.
Et il y a Emiko, la fille automate, négligée et maltraitée. Le grain de sable dans cet engrenage en apparence parfaitement huilé.
Avec La fille automate, Paolo Bacigalupi nous livre un premier roman d’une complexité parfaitement maîtrisée.
L’être humain est foutu. Certes, on le savait déjà! Mais Paolo Bacigalupi enfonce le clou. Dans ce monde de demain où à force d’avoir joué avec la génétique, on finit par se demander quelle sera la prochaine épidémie à faire le ménage parmi l’humanité, le pouvoir repose sur la capacité à nourrir la population et à procurer de l’énergie. Bref, les riches sont riches et les pauvres ont faim et triment comme des cons.
Donc comme ça, a priori, vous vous dites : «rien de nouveau sous le soleil de la SF». Soit, sauf que la manière dont Paolo Bacigalupi s’approprie ces thèmes récurrents est particulièrement intelligente. Avec sa description de Bangkok notamment, cité foisonnante et menacée par les eaux. A ce propos, il faut signaler que la couverture française ne rend pas hommage à cette ambiance urbaine étouffante contrairement à celle d’origine.
Il n’y a aucune surenchère. L’auteur ne nous assomme pas de trouvailles futuristes complètement inutiles. Il pose simplement son décor pour nous amener vers le meilleur.
Car le talent de Paolo Bacigalupi (en plus d’avoir un nom mémorable) et la réussite de La fille automate est d’avoir tissé cet écheveau d’intrigues et de complots où aucun personnage n’est ce qu’il paraît au début. Aucun sauf Emiko qui reste la clef de voute du roman. Si Rome ne s’est pas faite en un jour, les bouleversements, eux, résultent souvent d’un tout petit désordre aussi infime soit-il.
S’il faut bien 150 pages pour installer les personnages (et cela lassera peut-être certains, sans compter toutes les expressions et noms thaïs avec lesquels il faut se familiariser), cela vaut largement l’effort demandé. Les mots de Bacigalupi ont de la texture, ses personnages de la profondeur. Il y a quelque chose de Miéville chez lui dans sa vision réaliste de l’humanité. Il n’y a pas de héros, juste des gens qui sont là au moment x et qui doivent faire avec.
Excellent roman, La fille automate mérite donc son prix Nébula et Paolo Bacigalupi, toute notre attention pour la suite des évènements.
ça donne vraiment envie de le lire !
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