Descendre en marche est le récit d’un voyage. Celui de Marlène et de ses compagnons, sillonnant les routes d’Angleterre à la recherche des éclats d’un miroir brisé, miroir peut-être magique. Car l’humanité est frappée par une mystérieuse maladie, la rendant petit à petit incapable de décrypter les informations qui l’entourent. Des panneaux indicateurs, en passant par les livres et la musique jusqu’aux reflets dans une glace, tout devient incompréhensible ou monstrueux, tout devient bruits et parasites.
Le miroir aurait-il le pouvoir de sauver l’humanité?
«Si vous lisez cette phrase, c’est que vous êtes en vie.»
Amis de la fin du monde, bonjour!! Et oui, il fallait bien que Jeff Noon amène sa petite pierre à l’édifice et quelle pierre! Car Jeff Noon ne fait rien comme tout le monde. Bon, il aurait pu faire un truc du genre «oh la la, y a une grave maladie qui rectifie l’humanité (encore la faute des français tout ça avec leurs essais nucléaires à la con), vite allons chercher les américains pour nous sauver et enfin vivre dans un monde en paix où tout le monde s’aime»... mais non. Noon est au dessus de ça, Noon est britannique et rappelons juste comme ça que les britanniques sont responsables entre autres choses d’un seigneur passionné de joaillerie et d’un docteur passionné par les problèmes temporels. Bon, ils sont aussi responsables du cricket et du fish and chips mais bon, là n’est pas le propos, on s’écarte du sujet!
Alors, Jeff Noon est d’abord allé nous chercher cette idée de maladie empêchant de décrypter les informations, concept difficile à se représenter au début mais dont les conséquences nous sont rapidement expliquées. La maladie agissant autant sur notre faculté de comprendre ce qui nous entoure que sur les relations humaines, elle se conclue inévitablement par un repli sur soi dans la folie mais surtout dans une solitude complète.
Ensuite, même si on flotte dans une ambiance fin du monde, on échappe pour une fois aux descriptions de guerre ou autres scènes apocalyptiques. Si la maladie décime l’humanité, elle le fait à un rythme suffisamment lent (grâce à une drogue nommée Lucidité qui en retarde les effets) et la civilisation ne se trouve pas encore réduite à rien. Sur la route du personnage, on trouve toujours des scènes de vie sociale quasi normales comme la scène sur le front de mer avec les manèges et autres attractions, et finalement c’est ce qui façonne vraiment l’ambiance mélancolique du livre. Marlène vit ces évènements en sachant que c’est à chaque fois la dernière. Car la maladie progresse, elle le sent et perd peu à peu sa volonté de lutter contre. Et c’est ça la force de Descendre en marche (et peut-être aussi sa faiblesse car ceux qui n’aiment pas les romans à ambiance ne s’y retrouveront pas), cette mélancolie, cette sensation d’abandon et de résignation.
Non pas que Descendre en marche soit complètement désespérant (toutefois, dépressifs s’abstenir!) mais plutôt chargé d’une certaine tristesse qui vous accompagne une fois le livre terminé.
La scène qui m’a le plus touchée est celle dans le musée des Choses Fragiles et en particulier la bibliothèque où les livres s’effacent à mesure qu’ils sont lus. Les mots s’impriment dans la mémoire du lecteur et disparaissent du papier. L’idée que certaines oeuvres puissent disparaître à jamais est assez effrayante mais celle que ce serait la mémoire individuelle et non collective qui puisse les faire survivre, assez poétique.
On se détache assez vite de l'envie de connaître les origines de la maladie. Plus on avance dans le roman , plus on se rend compte que ce n’est pas tant la solution au problème qui nous intéresse (car s’il y en a une, on ne le saura pas) que comment le personnage vit cette situation. On ne cherchera pas à savoir si l’humanité guérira. Peu importe.
En fait, ce qui devient tout de suite fascinant, c’est le parcours de Marlène tant physique que émotionnel. Le parcours d’une mère qui a perdu son enfant et qui a trouvé un nouvel objectif lui donnant une raison de lutter contre la maladie chaque jour. Mais que se passe-t-il quand cette raison s’essouffle?
A la fois road novel et roman à ambiance, tout en lenteur et en émotions, (et attention, lenteur ne signifiant pas mollesse ni ennui), Descendre en marche fait partie de ces textes dans lesquels on s’installe avec un certain confort et à l’image de Dernière nuit à Montréal ou encore de Cartographie des nuages et Elliot du néant, un roman dont on a du mal à sortir complètement.
Même si on retrouve quelques scènes hallucinatoires qui sont une des marques de fabrique de l’auteur britannique, Descendre en marche est beaucoup plus épuré que d’habitude chez Jeff Noon. Lui qui, justement, nous avait habitués à des histoires beaucoup plus déjantées, livre ici sans aucun doute son roman le plus abordable pour l’instant parmi ceux déjà traduits en français.
Ce ne sera pas mon préféré de Noon mais c’est un roman de plus pour me confirmer à quel point j’adore cet auteur. Lisez Descendre en marche et vous trouverez une bonne raison de l’adorer avec moi.
Et à qui on doit ça? Comme de coutume, n’oubliez jamais : achetez La Volte, La Volte vous le rendra.
P.S. : si vous voulez découvrir un peu plus du monde déjanté, poétique et incroyablement imaginatif de Jeff Noon, les éditions La Volte ont eu l’excellente idée de mettre un site à disposition de vos yeux ébahis. Et par la même occasion, ils en ont profité pour refaire intégralement le leur. Plein de choses à voir, à lire et à entendre et plein d’endroits où aller... Allez, avouez que vous êtes conquis!
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