Margarita : un paradis caribéen pour touristes européens. Edeltraud Kreutzer, originaire de Düsseldorf, se rend sur cette île pour comprendre les circonstances de la mort de son fils, Wolfgang, retrouvé noyé sur la plage où il tenait un bar. Perdue dans cet environnement radicalement étranger, elle fait appel à José Alberto Benítez, un avocat local qui va l'aider dans ses démarches. Leurs recherches mettront au jour une autre île, bien éloignée des hôtels all-inclusive : la Margarita de la jungle bureaucratique, des passe-droits en tout genre, mais aussi celle des combats de coqs qui ont tant fasciné Wolfgang..
Avertissement préliminaire pour vous faire gagner beaucoup de temps : si vous êtes dépressif et que vous trouvez que la vie en générale et la vôtre en particulier manque singulièrement de sens de l’humour et d’à propos, ne lisez pas ce livre qui ne fera que vous confirmer que toutes les chansons vantant le mérite des pays ensoleillés et que soit disant l’herbe est plus verte au soleil ou autres conneries du genre, c’est du flan! Au soleil, l’herbe, elle grille.
Si en revanche, vous êtes adeptes du voyage hors zones touristiques, si vous êtes du genre à chercher le contact du véritable autochtone, si vous aimez découvrir le vrai visage du pays visité et si pour vous les cartes postales font partie des légendes urbaines, alors ce livre est potentiellement fait pour vous.
Tout ça pour vous dire que L’île invisible, c’est beau, mais c’est pas joyeux (en fait c’est Francisco Suniaga donc rien à voir avec Blanche Neige, aucun lien... je sais, elle est très mauvaise mais j’avais quand même envie de la faire!)
Avec L’île invisible, les éditions Asphalte ajoute un titre à leur catalogue de romans à ambiance hyper réaliste. Souvenez-vous, c’était déjà le cas de La vie est un tango de Lorenzo Lunar, et tout comme La vie est un tango, L’île invisible ouvre l’emballage, le packaging spécial office du tourisme pour vous montrer ce qu’il y a au delà.
Dans L’île invisible, c’est une mère en quête de réponses qui débarque sur Margarita et non une touriste en quête de soleil et autres activités commençant par la lettre s. A ce titre, le roman de Francisco Suniaga nous offre le très beau portrait d’une mère qui espère, qui veut pouvoir trouver une raison d’accepter la disparition de son fils. Et cette volonté inaltérable va se retrouver confrontée au choc des cultures.
Car sur l’île de Margarita, tout se passe à un rythme différent, un rythme qui lui est propre et auquel le nouvel arrivant doit s’adapter. En effet, ce qui paraît agréable et dépaysant à vivre pendant deux semaines de vacances, semble complètement différent voire perturbant à expérimenter au quotidien.
L’île invisible possède ce même rythme dans sa lecture, tout en lenteur, en perception, en émotion et sensation (même la playlist, n’oubliez pas cette petite marque de fabrique des éditions Asphalte, est ainsi). Lire L’île invisible, c’est s’installer dedans comme on s’installe dans un hamac, bien calé au fond, un petit verre de rhum à portée de main, et se laisser envelopper, presque bercer par cette quasi langueur, oubliant la vie effrénée qui, elle, s’active tout autour. Par conséquent, les amateurs de romans cadencés ne s’y retrouveront certainement pas.
Le personnage de la mère aurait toutefois mérité d’être développé. Rapidement, c’est l’avocat qui devient le personnage principal et toute l’enquête (si l’on peut vraiment parler d’enquête) passe par lui. C’est un des points faibles du roman, il me semble, car l’avocat n’est pas le personnage le plus intéressant. D’ailleurs, les passages entre lui et un de ses amis tournant autour d’une discussion sans fin au sujet d’un rêve, sont les seuls moments à m’avoir un peu déroutée et limite ennuyée.
Heureusement, survient le journal intime du fils et c’est ce qui m’a permis de ne pas décrocher. On y découvre son initiation aux combats de coqs et surtout la passion et l’addiction qu’ils vont provoquer chez lui. Si ce monde peut paraître violent et/ou choquant aux yeux d’un européen, il peut aussi engendrer une sorte de fascination étrange.
Bilan mitigé donc pour la lecture de L’île invisible qui possède certes quelques défauts (une écriture parfois trop empesée...les fameux passages au sujet du rêve de l’avocat) mais qui nous fait aussi croiser des personnages touchants (le triangle de la mère, du fils et de la belle-fille) dans un milieu dépaysant. Ces moments-là compensent plus que largement les précédents et pour eux, L’île invisible mérite amplement la lecture.
Parution le 12 septembre.
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