Texas, 1964. Après l’assassinat de leur mère, Elliott et Clarence ont passé le plus clair de leur adolescence dans des maisons de correction et autres établissements pénitentiaires pour mineurs. Le jour où Earl Sheridan, un psychopathe de la pire espèce, les prend en otage pour échapper à la prison et à la condamnation à mort, les deux adolescents se retrouvent embarqués dans un périple douloureux et meurtrier. Alors que Sheridan sème la terreur dans les petites villes américaines bien tranquilles qui jalonnent leur route, une sanglante et terrible partie se met en place entre les trois protagonistes. Loin de se douter de la complexité de celle-ci, les policiers, lancés à leurs trousses, et en particulier l’inspecteur Cassidy, ne sont pas au bout de leurs surprises.
Après tout ce que nous a déjà servi R.J. Ellory dans ses précédents romans, autant dire que les nouveaux seront toujours très attendus (un peu comme Noël, les soldes, le dernier album de Daft Punk/Mylène Farmer, rayez la mention inutile ou remplacez par la votre). Et quoi qu’on en dise dans notre société actuelle qui veut tout, toujours plus vite et maintenant, en littérature (et certainement ailleurs sans doute), l’attente est la première étape du plaisir de lecture (un peu comme des préliminaires, oui).
«A environ vingt-cinq ans, Carole Kempner avait fréquenté assez d’hommes pour ne plus connaître autre chose que la déception.»
Avec Ellory, de déception, il n’y en a point eu. C’est simple, c’est maîtrisé, c’est plié. Et dès le premier chapitre, il annonce la couleur : du noir, 100% et pour amener tout ça, une bonne dose de misère humaine en terreau. Ça vous donne deux frères apparemment inséparables qui depuis leur naissance se débattent contre une poisse indécrottable qui les fait toujours se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Alors quand on commence dans la vie avec des casseroles comme celles qu’ils se traînent, il faut une volonté en béton pour continuer d’avancer mais surtout pour pouvoir faire les bons choix. Et puisque la vie, ce n’est pas le destin mais ce qu’on en fait (enfin si l’on en croit Sarah Connor), tout ne se réduit-il qu’à une simple question de choix?
«Elle avait un jour entendu ce vieux dicton : «Une coïncidence, c’est quand Dieu souhaite rester anonyme.» Peut-être que ça marchait aussi avec le diable.»
Encore une fois, Ellory pose sur son récit une écriture en apparence froide et distanciée mais qui en fait, ne nous épargne rien de la réalité ni de la brutalité de tels évènements. Car il ne se contente pas de nous décrire par le menu le parcours sanglant des personnages. D’un côté, il nous fait entrer dans la tête du trio de personnages principaux, en nous faisant suivre le cheminement de leurs pensées, l’évolution de leur caractère qui les amènent vers ces choix, bon ou mauvais; de l’autre, il décrypte la vie de ceux qui seront amenés à croiser leur chemin et à en devenir les victimes.
Par ce procédé, Ellory réduit la distance que l’on voudrait toujours maintenir avec les personnages de tueur (réels ou de fiction), une distance en quelque sorte salvatrice lorsqu’on les appelle monstres ou fous, simplement pour les mettre à part de nous-mêmes, genre c’est pas pareil parce que c’est différent. Ellory sort aussi la victime de cette étiquette de victime, quelque peu anonyme et interchangeable. La victime redevient ainsi une personne à part entière avec son identité et toute son histoire passée et à venir, cette histoire qui sera coupée en pleine ascension.
Avec Mauvaise Etoile, R.J. Ellory revient aux sources du roman noir en toute simplicité mais avec une réelle efficacité. Parfois oppressant, le récit est construit dans un crescendo parfait qui nous entraîne vers une fin que l’on pense inéluctable. Et on a beau connaître la recette, on a beau avoir déjà goûté à de nombreuses reprises de ce plat, quand il est préparé par un grand chef étoilé, on prend toujours un plaisir sans fin à le déguster.
Pour conclure, que dire d’autre sinon qu’en matière de roman noir, il y a ceux qui essaient et il y a ceux qui maîtrisent. A bon entendeur.
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